Lors d’une visite au centre d’écoute et d’orientation des femmes victimes de violences (Ceofvv), situé dans un appartement du quartier Lafayette, dans le centre-ville de Tunis, on a rencontré des femmes victimes de violences cherchant l’appui du Ceofvv. Là, on trouve des solutions pour ces victimes. La couleur blanche domine les murs du centre. La salle d’attente des femmes victimes de violences diffère de celle des invités. Le couloir est plein d’affiches «stop violence» et il y en a beaucoup d’autres.
Mme Nadia Hkimi, responsable de la mobilisation au sein du centre d’écoute des femmes victimes de violence, de la liaison et de suivi avec les sections et les régions de l’Association tunisienne des femmes démocrates (l’Atfd), a expliqué que la question de la violence est grave. Et de préciser : «En effet, on a travaillé sur cette question dès la naissance de l’association. Cette dernière a été créée le 6 août 1989. Depuis l’année 90 on a commencé à travailler sur cette question car on a été interpellé par une mère accompagnée de sa petite fille âgée de 12 ans. La petite avait subi un viol collectif. Elle a été kidnappée par des jeunes de son quartier et amenée dans une forêt dans la région. C’était un viol d’un groupe de jeunes qui ont agi sous l’effet de la drogue et de l’alcool».
Et ce n’est qu’au bout de deux jours qu’elle est retournée chez elle, elle a raconté sa mésaventure à sa mère qui a subi un choc psychologique. La petite fille était complètement perdue et sa maman aussi. Quant au père, il a rejeté sa fille la considérant comme responsable de ce qu’elle a subi. Le père a renvoyé sa femme avec la petite. La mère est allée chez ses parents et petit à petit elle a essayé de renouer les liens avec son mari pour le calmer.
Réseau associatif à l’étranger
Elle a révélé sur un ton amer les larmes aux yeux : «On ne peut pas rejeter notre fille». La maman s’est orientée vers l’association Atfd. Le centre a pris en charge le dossier et a commencé à travailler sur cette question. Par ailleurs, l’Atfd s’est orientée vers le réseau associatif à l’étranger. «On a eu la chance que l’une de nos adhérentes ait bénéficié d’une formation au Canada. Elle a participé à une université féministe et elle a pu ramener des informations très importantes pour soutenir notre association», a souligné notre interlocutrice. L’Atfd a commencé à réfléchir pour la prise en charge de ce cas concret.
Au niveau international, au cours des années 90, le mouvement féministe a commencé à travailler sur ces questions. On a pu intégrer des associations étrangères pour traiter ces problèmes. On a commencé à élaborer une réflexion à ce sujet. «Ce cas a marqué la jeune fille. Quand elle est retournée, après un an à l’association, elle est devenue plus dure», a déclaré Mme Hkimi.
Les violences dans le couple sont des obsessions. Mme N., la quarantaine, est un autre cas concret rencontré dans le centre Ceofvv. Elle nous a raconté son drame qu’elle a vécu avec son mari. Son mari a un caractère dur, il est têtu et sévère. Elle a subi une violence physique. «Mon mari a essayé de me tuer avec une hache pendant mon sommeil. Heureusement, j’ai pu le repousser», soupire-t-elle.
Le centre du dernier recours
Et d’ajouter : «Il m’attaque de nouveau à chaque fois que je demande une explication à cette maltraitance…». Ses violences sont quotidiennes. «Il m’a agressée physiquement plus d’une fois».
Ce récit rend compte des violences sexuelles dans le couple, devant le regard des enfants : N. est une mère d’une jeune fille âgée de 14 ans, résidant dans un quartier populaire. Elle parle d’une voix étouffée : «J’ai tout supporté : ses coups de poing, ses insultes, sa maltraitance ; mais je défends ma fille ! Je n’accepte pas qu’elle subisse la violence! Donc j’ai décidé de divorcer». Je me suis dirigée vers le centre pour qu’il puisse m’aider à trouver des solutions. «Plusieurs femmes victimes de violences ont cherché du soutien auprès de l’Atfd. Cette association a lutté en faveur des femmes. Nous surveillons, nous orientons et nous écoutons», explique Mme Nadia.
Selon le rapport intitulé «Retour sur l’histoire pour un avenir sans violences à l’encontre des femmes» de l’Atfd, les femmes victimes de violence qui s’adressant au centre d’écoute sont des femmes mariées avec un taux d’environ 70%. Les célibataires représentent 14,5% des victimes fréquentant le centre d’écoute, les femmes divorcées sont à 12, 9% de l’effectif général, les veuves sont classées en quatrième position avec un taux de 2,1%. Le taux de femmes «fiancées» est faible et inférieur à 1%. L’époux est le principal auteur des violences. Ainsi, 63% de femmes qui se sont rendues au centre d’écoute de Tunis ont déclaré avoir subi une ou plusieurs formes de violence physique, avec une moyenne qui dépasse 6 femmes sur 10.
Les femmes mariées sont nettement les plus touchées par ce type de violence avec une moyenne de 73,4% des femmes mariées. Les femmes sans enfants agressées représentent 56,3%, les mères ayant 5 enfants et plus sont les plus exposées à ce type de violences.
Mme A. la soixantaine, a eu un problème d’héritage. En effet, après la mort de son mari en 2012, elle a subi une violence physique de la part de son beau-frère. Cette agression a été accompagnée d’insultes. Des brûlures et des taches sont visibles sur son corps, c’est une preuve qu’elle a été victime des violences de ce beau-frère. C’est pour cela qu’elle s’est dirigée vers le centre pour une prise en charge efficace. Le centre compte des psychologues qu’il affecte à ces cas.